Dante Abel Adonis Alario naquit le 8 Mars 1972 dans la capitale Lituanienne. Né d’un père Lituanien avocat et d’une mère Italienne professeur de littérature, il ne vécut que les premières années de sa vie à Lietuva, avant que ses parents ne décident d’emménager aux Etats-Unis. Ils s’installèrent donc à Louisville, dans le Kentuchy.

Le bruit des sabots frappant la terre avec violence. Un grondement infernal, dont Dante ne cessait de s’émerveiller. Les paroles sèches que l’entraineur adressait aux lads, le raclement des fourches contre le bitume, les hennissements lointains qui surgissaient en arrière-plan  et l’odeur enivrante de la paille et du foin.
Le jeune homme rouvrit les yeux, brisant la magie de l’instant pour mieux se concentrer sur ce que l’entraineur disait. Sous lui, entre ses cuisses, il pouvait percevoir toute la puissance en sommeil du magnifique animal qu’il chevauchait. Un jeune étalon au caractère joueur et impulsif, difficile à canaliser mais au potentiel énorme. Une bête splendide qu’il aurait rêvé de pouvoir amener sur les chemins de la compétition, peut-être même jusqu’au fameux Kentuchy Derby, la course qui le faisait tant fantasmer.
Dix-sept ans, et il songeait déjà à faire de cette passion l’affaire d’une vie. Cela faisait deux années qu’il travaillait ici, poursuivant depuis encore plus longtemps encore sa formation de jockey. Pas facile de concilier cette passion dévorante et sa scolarité, mais son rêve lui semblait à portée de mains. Il n’allait peut-être pas courir une course mythique demain ou même mener son cheval jusque sur les plus hautes marches d’un podium. Mais son rêve était là, tout proche, il pouvait le sentir, le toucher.
Cependant, ce n’était pas la vie que son père voulait pour lui.



La fac de droit.
Le nez plongé dans un livre soporifique à souhait, Dante soupira pour la énième fois. Son père avait voulu qu’il se consacre au droit et le jeune homme n’avait pas eu le choix. Malgré toutes ses protestations, ses menaces de quitter le foyer familial, son géniteur s’était montré intraitable. « Deviens avocat ou trouve-toi un métier correct, qui te permettra de vivre. Une passion doit rester une passion. »
Que n’aurait-il pas donné pour pouvoir parcourir les pistes d’entrainement au grand galop, en cet instant précis ? Il aurait tout donné, tout vendu, tout offert. Sans restriction. Il s’ensevelissait sous le travail, incapable de ne se consacrer qu’à moitié à ses études pour le simple plaisir de prendre une revanche sur son père. Mais le droit, ce n’était pas fait pour lui. C’était intéressant, il ne pouvait le nier, mais il ne ressentait pas cet attrait particulier, ce petit « plus » qui ferait la différence.
Il fallait qu’il trouve sa vocation autre part, il le savait.

« Ça fait déjà dix minutes que tu es sur la même page Dante. »  lui fit remarquer une voix féminine.

Il sursauta légèrement, surpris, relevant vivement la tête pour observer Alison prendre place en face de lui. Elle rabattit des longs cheveux roux vers l’arrière avant de les coiffer en un chignon serré, lui offrant un petit sourire timide.

« Je réfléchissais. » se justifia-t-il finalement, incapable de détourner le regard.

Elle était la première qu’il avait rencontrée en arrivant ici et également celle qu’il ne quittait plus depuis. Leur amitié avait lentement évolué vers quelque chose de plus fort dans son cas, et il ne cessait de guetter les signes qui lui indiqueraient que la jeune femme ressentait la même chose à son égard.

« Courage. » laissa-t-elle finalement échapper en ouvrant son propre livre.

Elle connaissait toute l’histoire. Et sa sollicitude le touchait.
Mais il fallait vraiment qu’il trouve sa voie, avant qu’il ne se perde sur un chemin qu’il n’aurait jamais voulu emprunter.



Alison étreignit sa main avec force, espérant lui apporter le courage dont il avait besoin. Dante lui offrit un léger sourire, heureux à l’idée qu’elle soit à ses côtés pour le soutenir dans cette épreuve qu’il s’imposait à lui-même. Il allait devoir annoncer à son père qu’il quittait la faculté pour entrer dans une école de police. Il avait enfin trouvé la voie qui l’intéressait. Un métier qui lui apporterait des challenges toujours différents. Pas de routine. Du contact avec les gens. Et l’opportunité d’aider, de faire respecter ces lois dont son père se jouait constamment.
Il avait décidé de faire quelque chose de bien de sa vie. Une vie qu’il dédierait à autre chose que la recherche du profit constant et des gros clients. Une vie de danger certainement, mais qui le passionnerait et lui donnerait envie de se lever pour aller travailler chaque matin. C’était ce qu’il voulait, ce qu’il désirait.
Alison posa ses lèvres sur sa joue et il tourna la tête vers elle pour l’embrasser légèrement, avant qu’elle ne lui souhaite bon courage. Puis il lâcha sa main et pénétra finalement dans le bureau de son père.
Il n’allait pas laisser ce dernier contrôler sa vie.



Quand on lui avait offert un poste dans la police de Los Angeles à la sortie de l’Académie, il n’avait pas hésité une seule seconde, entrainant Alison dans son sillage. La carrière d’avocate de cette dernière commençait tout juste et cette grande ville allait lui offrir bon nombre d’opportunités qu’elle n’aurait pu avoir dans le Kentucky. Ils aimaient Louisville –et Dante encore plus son hippodrome- mais il était tant pour eux de s’offrir la vie dont ils rêvaient, de s’installer ensemble et de pouvoir réellement affronter les aléas de la vie. Ensemble.
Ils étaient tous deux des passionnés, des acharnés du travail. Et Dante s’épanouissait de manière spectaculaire dans ce qu’il faisait. Bien sûr, ce n’était pas un métier facile –en existait-il seulement un seul ?- il se remettait souvent en question et certaines périodes étaient plus dures que d’autres. Mais ilse plaisait dans ce qu’il faisait et s’y consacrait à fond –un peu trop peut-être dans le cadre de certaines enquêtes. C’était plus fort que lui, il ne pouvait rester indifférent aux malheurs d’autrui. Deux ans après son entrée dans la police, il faisait un stage pour pouvoir intégrer le SWAT : il lui était possible d’en faire partie tout en restant officier, et c’était un challenge de taille qu’il désirait relever. Ce fut particulièrement enrichissant. La même année, il trouvait enfin sa place dans la branche de la police spécialisée dans les stupéfiants.
Et le troisième jour du mois de Septembre, Alison lui annonçait qu’elle attendait un heureux événement.



Dante ouvrit brusquement les yeux, réveillé par des pleurs. Il ne se laissa même pas le temps de complètement émerger, que déjà il était aux côtés de sa fille, la prenant dans ses bras pour la bercer. Il contempla son visage, ses joues potelées, avant que son regard ne dérive vers le lit double sur lequel il était allongé à peine une minute plus tôt.
Les couvertures étaient désespérément vides.
Le cœur serré, il prit la direction de la cuisine, refusant de regarder plus longtemps ce qui était certainement de plus grand échec de sa vie. Il se revoyait, un an plus tôt, quand Alison lui avait annoncé qu’elle était enceinte. La joie qu’il avait ressentie. Puis sa détermination à travailler encore plus dur et plus longuement pour qu’il puisse leur assurer des revenus stables et surtout, il soit en mesure de s’accorder une longue période de congé après la naissance de leur enfant. Il s’était tant consacré à son travail, enchainant les heures supplémentaires, les missions de nuit et toute autre occasion qu’il pouvait saisir, qu’il avait été presque constamment absent. Il avait bien vu qu’Alison en pâtissait, surtout quand elle avait dû prendre son congé maternité. Il avait bien remarqué qu’elle souffrait de son absence, qu’elle aurait aimé qu’il soit beaucoup plus présent pour elle.
Il avait fait le choix de se dédier à leur avenir sans s’attarder sur le présent, et il l’avait perdue.
Après la naissance de leur petite fille, il avait mis son travail entre parenthèses, prenant un congé à durée indéterminée. Mais il était trop tard. Trop tard pour Alison. Ils n’arrivaient même plus à communiquer. Il lui avait même promis de prendre un travail à mi-temps par la suite, peut-être dans la sécurité privée. Mais elle ne voulait plus de ses excuses. Souffrant d’une dépression post-natale, elle le quitta. Les quitta.



Cela faisait deux mois aujourd’hui. Deux mois qu’elle était partie, cinq mois qu’il ne vivait plus que pour sa fille. Et il était temps pour lui de reprendre le travail, s’il voulait élever sa fille dans les meilleures conditions possibles.
Il embrassa une dernière fois son ange, avant de répéter –encore une fois- à la femme qu’il avait engagée pour prendre soin d’elle en son absence tout ce dont sa fille avait besoin. Il lui écrivit son numéro personnel sur un post-it, la sommant de l’appeler au moindre problème. C’était la première fois qu’il laissait son petit bout de choux à ses mains étrangères et il se sentait terriblement angoissé.
La femme accepta le papier qu’il lui tendit avec un sourire doux.

« Vous me l’avez déjà donné trois fois depuis que je suis entrée… » laissa-t-elle échapper d’une voix compatissante.

Il grimaça légèrement.

« Tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas. Je veillerai sur elle comme si c’était la mienne. Maintenant, allez travailler. »

Il soupira avant d’hocher la tête, franchissant la porte d’entrée le plus vite possible. S’il s’attardait encore un peu, il savait qu’il finirait par craquer. Le froid l’agressa dès qu’il mit un pied dehors et par réflexe, il réajusta sa veste sur ses épaules, vérifiant une dernière fois que son arme était bien attachée à son flanc. Cela faisait longtemps qu’il n’en avait pas portée une et malgré l’habitude, il avait eu peur de l’avoir oubliée…
Le calme régnait dans la rue à moitié plongée dans la pénombre. Il était trop tôt et le Soleil se profilait à peine à l’horizon. Il allait enfin atteindre sa voiture sagement garée en face de la porte de son garage quand un bruit attira son attention. Sur le trottoir dans face, à sa droite, un homme semblait batailler férocement avec une poussette, afin de la plier. Hésitant un instant, Dante décida que de toute façon, il était bien en avance pour aller au boulot, alors quelques minutes de retard ne pourraient lui faire de mal. Et puis, à l’instar de ce père de famille, il avait également beaucoup galéré la première fois qu’il avait dû plier l’un de ces engins pour pouvoir la rentrer dans la voiture…
Une minute plus tard, il aidait l’inconnu avec sa poussette et ils finirent par réussir à la plier à deux et la mettre dans le coffre. Ils poussèrent tous deux un soupir de soulagement puis son voisin –car il devait certainement habiter là- lui offrit un grand sourire en le remerciant. L’espace d’un court instant, Dante songea que la manière dont les fossettes de cet homme se creusaient quand il souriait était vraiment adorable.

« Je vous en prie, répondit-il avec naturel. Je sais comme cela peut être difficile, rit-il pour cacher sa légère gêne.
-Oh, vous êtes également père ? » s’intéressa son interlocuteur.

Dante se devait avoir qu’un an ou deux de plus que son vis-à-vis, et il était assez rare de croiser des pères aussi jeunes, il en avait parfaitement conscience.

« Père célibataire, corrigea-t-il avec une légère amertume. C’est une petite fille, Abigaël. » ajouta-t-il avec un sentiment de tendresse et de fierté mêlées.

L’inconnu esquissa un joli sourire et ils discutèrent encore pendant cinq minutes. Le membre des forces de l’ordre apprit ainsi qu’il s’appelait Micheal et qu’il était aussi un père célibataire. Ils finirent par se séparer presque à contre cœur quand le policier remarqua finalement que l’heure tournait et qu’il allait être en retard.
Dante se promit de revoir Micheal. Parce qu’au fond, leurs situations se ressemblait un peu et qu’ils étaient maintenant tous deux obligés d’élever seuls un enfant.
Et il le fit.



Dante jeta un petit coup d’œil à son partenaire –Jake- , s’amusant légèrement de le voir tirer sur la veste de costard, visiblement pas très à l’aise habillé ainsi. Ce n’était pas leur première mission d’infiltration ensemble mais c’était bien la première fois qu’ils s’y rendaient vêtus comme des pingouins. Le jeune policier était devenu son partenaire il y a peu, mais ils s’assortissaient vraiment bien et Dante avait peu à peu appris à apprécier son caractère impulsif mais juste, ainsi que son travail. Il n’avait jamais eu l’occasion d’avoir un partenaire « attitré » et c’était vraiment le genre de relation qui lui avait manqué au travail. Quelqu’un sur qui il pouvait compter jour et nuit, à qui il confierait sa vie sans la moindre hésitation. Certes, Jake était sorti de l’Académie il y a peu et il le formait à leur dur métier, mais il avait une totale confiance en lui, forgée par les diverses affaires dont ils avaient dû s’occuper ensemble.

« Tu parles à qui ? » lui chuchota son coéquipier.

Dante afficha un sourire mystérieux avant de lui faire un clin d’œil, gardant le silence sur l’identité de son interlocuteur au téléphone, qui n’était autre que Micheal. Après leur rencontre six ans plus tôt, les deux hommes s’étaient liés d’amitié et s’entraidaient mutuellement. Micheal avait l’avantage de faire un travail à domicile et de pouvoir garder son fils sans problème, et il était en quelques sortes devenu, au fil du temps, la « nourrice » d’Abigaël, la fille de Dante. Ce dernier n’était que reconnaissance envers son voisin, qu’il appréciait vraiment et auquel il faisait totalement confiance. Ils s’étaient extrêmement rapprochés et le policier commençait doucement à comprendre qu’entendre cette voix lui murmurer bonne chance pour ne pas réveiller leurs enfants ne le laissait pas du tout indifférent. Il avait toujours eu conscience d’être attiré par son voisin et ami, après tout, c’était un homme séduisant et particulièrement gentil, qu’il appréciait énormément pour la façon dont il était. Mais enterrer cette attirance n’avait jamais été un problème, jusqu’à ce qu’elle évolue lentement, au fil des ans, vers quelque chose de bien plus fort.
Il remercia l’homme avant de raccrocher, éteignant finalement son portable pour ne pas risquer qu’il sonne en pleine mission. Il ressentait toujours une légère vague d’angoisse en faisait cela, mais il avait appris à la contrôler, à se concentrer sur son travail et s’y donner à fond.

« C’était ton mec ? lança soudainement Jake, un sourire taquin aux lèvres.
-Mais qu’est-ce que tu-
-Ouais ouais, c’est ça hein, j’ai entendu sa voix masculine d’ici et franchement, t’aurais dû voir le petit sourire niais qui accompagnait-
-Mets ton noueux papillon. » le coupa Dante sans aucun remords.

Son interlocuteur esquissa une moue déçue en voyant qu’il ne lâcherait rien.
Dix minutes plus tard, ils pénétraient dans le casino qui abritait l’un des plus gros trafiquants de drogues de la ville.



Il avait tellement donné de lui-même dans cette enquête qu’il se sentait à présent vidé de toutes ses forces. Jake avait également beaucoup sacrifié de temps originellement « libre » pour qu’ils puissent aboutir à l’arrestation de ce dealer et également meurtrier. Cela faisait bien six mois qu’ils étaient sur l’affaire et ils avaient été particulièrement éprouvés par les règlements de compte en série, qui menaient généralement à toujours plus de victimes, et par la tâche qui leur avait un moment parut infaisable. Mais ils avaient persévéré et après avoir rencontré les parents de plusieurs victimes et même des proches du dealer en question, l’affaire était devenue plus personnelle.
Maintenant ce salop était derrière les barreaux et il allait très certainement y rester pendant un certain temps.
Dante arrêta le moteur de sa moto sur la descente de garage. Il ôta son casque avec soulagement avant d’ouvrir sa veste en cuir –celle qu’il portait toujours lors d’un trajet à moto. Il quitta ses gants en se dirigeant vers sa porte d’entrée, las et fatigué. Ses doigts effleurèrent un anneau et un bracelet brésilien dans sa poche. Il sortit ce dernier avant de le remettre à son poignet –cadeau de sa fille pour la fête des pères. Un élan de tendresse le saisit à cette pensée, avant qu’il ne sorte également l’anneau pour le contempler. Un sourire effleura ses lèvres, alors qu’il sentait les premières gouttes de pluie tomber sur ses mains. Peut-être que Micheal serait encore éveillé quand il rentrerait… Il savait que l’autre homme l’attendait souvent quand il rentrait tard après une mission et le fait qu’il investisse les lieux ne dérangeait pas Dante. C’était devenu naturel. Et il aimait toujours quand son voisin lui racontait sa journée et les frasques de leurs enfants. Avec la temps, sa maison était aussi devenue celle de Micheal ; il y a avait toujours un matelas à disposition pour son fils et les deux adultes avaient pris l’étrange habitude de dormir dans le même lit quand Dante revenait vraiment tard et qu’il n’était plus question pour l’autre homme de réveiller son gosse et retourner chez eux –même s’il y avait cinquante mètres à faire.
Le policier rangea l’anneau, songeant que le temps était venu pour qu’il déclare ses sentiments à l’homme qui partageait sa vie quotidienne depuis maintenant dix ans. Il parvint sous le perron juste avant que la fine pluie se transforme franchement en averse. Son regard se porta sur sa porte d’entrée… Entrouverte.
Il se figea, le sang glacé par un terrible sentiment d’angoisse. Sa main se porta à la crosse de son arme de service et il la dégaina, avançant prudemment. Ses yeux fouillaient la pénombre alors qu’il poussait doucement le battant, tous les sens en alerte. Le bruit des gouttes qui s’écrasaient sur les fenêtres le rendaient sourd. Quelques pas encore et il tournait à droite pour pénétrer dans le salon.
Les mots, les cris, se perdirent dans sa gorge. Les entrailles se tordirent violemment et alors qu’il sentait son cœur se broyer impitoyablement,  la gorge devenant tellement serrée qu’il ne put émettre un son. Il abaissa son arme.
Il ne pouvait y croire. Ce n’était pas possible. Pas ça. Tout mais pas ça.
Face à lui gisaient Micheal, les yeux vitreux ouverts, serrant dans ses bras le corps menu d’Abigäel. Ils baignaient dans une mare de sang.
Morts.



Le traumatisme et la douleur de cette perte incommensurable firent de lui un homme qui ne cherchait plus que la vengeance. Il ne parvint même pas à annoncer à Elijah, le fils de Micheal, le décès de son père. Ils étaient morts par sa faute, il le savait. Les mots du dealer résonnaient encore à ses oreilles. « Tu regretteras à jamais de t’en être pris à moi. »
Les premiers mois, il fut arrêté et c’était certainement la pire décision que sa direction aurait pu prendre. Il ne noya dans l’oubli, alternant entre colère noire, profond désespoir et déni le plus total. Jake avait tant bien que mal tenté de le sortir de la dépression et il avait en partie réussi là où tous les psychologues qu’il avait été forcé à voir avaient échoué. Un soir, son coéquipier, en cherchant à le faire réagir alors qu’il se perdait dans l’alcool, lui avait hurlé de sortir et retrouver l’enfoiré qui s’était attaqué à sa famille plutôt que se complaire dans sa douleur. Et Dante avait trouvé là le but dont il avait besoin pour accepter, avancer.
Il avait repris le travail quelques temps plus tard, encore plus dur et impitoyable envers les vendeurs de poudre magique qu’ils arrêtaient. Mais ce n’était qu’un moyen pour avoir accès aux dossiers confidentiels et aux ressources de la police plus facilement. Contre l’avis et à l’insu de tous, il se renseigna sur l’enquête qui avait suivi le meurtre de sa fille et de son voisin, apprenant avec rage qu’elle n’avait menée à rien, malgré les multiples tentatives de Jake de la relancer. Il était même allé jusqu’en prison  pour obtenir des infos du dealer qui l’avait clairement menacé et qui avait certainement commandité le meurtre. Autant dire que la confrontation fut particulièrement difficile et qu’il avait fini par éclater le nez de cet enfoiré sur la table d’interrogatoire.

Puis il s’était lancé dans sa propre enquête, en parallèle du travail. Personne n’était au courant, pas même Jake. Dante ne voulait pas mêler son partenaire à tout cela, même s’il savait qu’il ne rechignerait pas à l’aider –l’ayant déjà sous-entendu par moments. Ses investigations l’amenèrent à briser la loi plusieurs fois, à forger des relations avec des personnes peu recommandables qu’il finissait néanmoins par arrêter. Il se refusa par la suite à traiter avec des criminels, car sa conscience lui interdisait tout simplement de tomber aussi bas que celui qui lui avait arraché la prunelle de ses yeux.
Ses investigations le menèrent jusqu’en Europe –d’où le tueur à gage venait- et il dût quitter son travail. Il laissait tout derrière lui. Quitter Jake et Elijah ne fit qu’appesantir son fardeau et sa douleur. Mais il dut s’y résoudre. Il enquêta dans divers pays du vieux continent, se faisant passer sans mal pour un détective privé. Puis il y a quelques mois, ses pas le menèrent à Saint-Pétersbourg. Il choisit de s’y installer, parce qu’il savait d’une source sûre que son homme trainait beaucoup dans le coin. Il se devait de se fondre dans le paysage, il ne pouvait risquer de le voir lui échapper alors qu’il était à présent si près du but. Après cinq ans passés à élaborer sa vengeance, il la touchait enfin du bout des doigts.
Et il n’était pas prêt à la laisser s’échapper.