« Mr Bartowski, je ne vais pas passer par quatre chemins. Vous avez une tumeur, j'en suis navré. A ce stade, nous ne savons pas si un remède existe, un traitement va être prochainement mis en place. Cependant, rien n'est gratuit... » Deuxième phrase, quatrième mot et depuis, Denys restait plongé dans ses pensées, le regard vide. Il s'était demandé ce qu'il avait fait au Bon Dieu, à là-haut pour mériter tout cela, à s'y croire dans un bouquin tragique. Personnage au destin funèbre, le jeune homme se remémora les divers points de sa vie, étape par étape pour en arriver à cet instant. Borowski, une famille respectable, d'un milieu modeste et ouvriers, comme tant d'autres. Deux enfants, c'est bien, ça sonne comme paisible, deux. Un premier , le garçon et quelques années plus tard, une petite fille. Bonne éducation, à bonne école. La réussite à l'école propulsera à un excellant travail et une condition de vie meilleure. Et le déclin. Les deux parents décèdent tragiquement lors d'un accident et Denys refuse toute aide. Le bonheur n'a plus aucune place dans ce monde mais il ne peut point se permettre une dépression, il a sa petite sœur à s'occuper. Il est prêt à se sacrifier pour elle, à commencer à voler, à troquer et vendre les objets dont ils n'ont plus besoin. Il ne peut se permettre d'acheter des choses chères et superficielles.Pour se faire plaisir, il achète de vieux livres bon marché à la brocante, son seul exutoire. Sa sœur est sa princesse, et il veut la voir heureuse, avec le sourire. Cependant, depuis quelques temps, il ne se sentait pas bien, quelque chose le préoccupait. Réponse maintenant ; le cancer. Et toute la pression qu'il avait sur ses épaules pèse subitement lourd, comme insurmontable à porter. Nastasya, il ne la préviendrait pas tout de suite. Lui annoncer d'une manière banale, sans importance serait le mieux. Pourquoi lui gâcher son moral ? Elle n'en avait pas besoin. Sans rien dire, Denys se lève, remercie le médecin et s'en va. Son traitement, il ne pourrait pas le payer et là, il voulait dormir.


Marchant lentement, Denys releva la tête pour faire face à la façade, le bâtiment qui se présentait à lui. La Rose Rouge, l'appelait-on. Bordel, maison close, temple de débauche, un lieu qui possédait de multiples synonymes, tous reliés par un mot commun : le sexe. Ou la prostitution. Ce bâtiment l'intriguait, jamais, il n'avait côtoyé ce genre d'endroit auparavant hormis dans les livres. Depuis quelques années, après l'annonce de son cancer, il s'était réfugié dans une littérature plus noire. Pourquoi avoir des fins heureuses lorsqu'on sait qu'elles n'existent pas ? La perversion s'était incrustée dans son esprit et il s'était intéressé à la littérature érotique. Le Marquis de Sade, malgré sa poésie restait trop vulgaire et la sortie récente des Cinquante Nuances Ridicules avait été jugée trop souple et calme. Denys avait besoin d'un couvre-chef et il avait continué ses recherches jusqu'à tomber sur des livres comme le Moine ou les Elixirs du Diable, œuvres plaisantes mais trop clichés. Un moine pieux qui tombe dans la débauche après la tentation du Diable ? C'est d'un dépassé et surtout du prémonitoire lorsqu'on voit ce qu'il se passe avec le Pape et son Vatican. Il voulait innover, écrire un roman d'un nouveau genre et son action se déroulerait à la Rose Rouge. Double intérêt lorsqu'on savait qu'il voulait apprécier les services que l'établissement proposait. Franchissant les portes principales du bordel, il allait apprendre un tout nouveau monde. Les personnes semblaient à l'aise, choisissant son partenaire d'un moment. Cependant, Denys ne savait pas quoi faire, préférant s'asseoir au bar et prendre un verre. Une peur de se présenter à un prostitué ? Il devait les refouler. L'heure tourne et il doit profiter des joies de la vie, sans relâche, sans aucune limite.