igor, dix-huit ans; Il marchait tranquillement dans les rues de sa ville natale avec un petit sourire sur les lèvres, confident, presque arrogant. Igor s'amusait à rester impassible, mystérieux et secret, il ne voulait pas qu'on en sache trop sur lui, surtout sur son passé. Il n'aimait pas parler de son père, son problème d'alcoolisme le menait à penser qu'il pouvait faire la même chose, qu'il pouvait devenir un monstre comme lui. Cette idée lui était passée plusieurs fois par la tête, alors il essayait de relativiser, profiter de sa vie comme sa mère lui avait conseillé de faire. Le jeune homme trainait donc dans les rues, il ne savait pas exactement ce qu'il recherchait, peut-être une fille, il en avait trouver des femmes, mais jamais assez intéressante, elles étaient ennuyeuses, ou peut-être tout simplement trop complexe. Il les aimait, il l'avait toujours fait, mais bizarrement c'était compliqué de trouver chaussure à son pied, de toute façon il ne voulait que s'amuser et passer le reste de sa vie avec une fille ? Non merci. Il recherchait l'insaisissable liberté, celle que personne ne pouvait lui arracher, avoir vécu sans père n'avait peut-être pas été la meilleure chose, il se comportait comme un petit con, faisait la fête et n'osait même pas penser à se poser. A dix-huit ans on ne pouvait pas lui en vouloir, la seule chose qu'il savait faire, qu'il faisait avec passion était ses études, le journalisme le fascinait et il avait mis un mot d'honneur sur le fait que c'était la seule chose qu'il arriverait à faire dans sa vie. Perdu dans ses pensées il ne remarqua pas la brune en face de lui et la percuta violemment. Elle se retrouva par terre sous le poids de Igor et grogna quelque chose qu'il n'entendit pas. Il lui tendit sa main pour l'aider à se relever tout en bredouillant « Pardon, je ne regardais pas où j'allais. » elle poussa sa main et se releva seule. Elle le fusilla du regard, nettoya ses vêtements avant de lui répondre « Sans blague. » Elle avait de longs cheveux noirs, des yeux bleus et un regard carnassier qui le fît frissonner. Elle avait quelque chose d'hypnotisant, quelque chose de bizarre qui lui donna envie d'en savoir plus, mais elle n'avait décidément pas l'air de vouloir faire la discussion, elle tourna les talons et commença à s'en aller. Igor ne contrôla plus ses jambes et commença à lui courir après alors que ce n'était absolument pas dans ses habitudes. Il se posta devant elle puis lui dit « Je m'appelle Igor. » Elle releva les yeux toujours avec ce regard exaspéré, elle avait des choses à faire et elle n'avait pas besoin qu'un homme la retarde. Alors elle prit bien soin de le pousser sur le coté avant de répondre « C'est moche. » Merci. Merci beaucoup. Mais il ne voulait pas lâcher le morceau, elle avait du répondant, elle était tout sauf passive, alors il se remit devant elle en lui disant « J'peux te payer un café ? » Elle pouffa de rire, bien sûr qu'il était ridicule, mais il avait l'impression de perdre tous ses moyens devant elle, il avait l'impression qu'elle était spéciale, qu'elle avait ce quelque chose qu'aucune autre fille n'avait. Après quelques secondes elle s'arrêta de rire et lui répondit très franchement « Les gars comme toi c'est tous les mêmes. Laisse-moi passer maintenant, j'ai des choses à faire. » Sa tête lui disait de la laisser partir, son cœur en revanche refusait de baisser les bras. Certes il n'était pas un gars correct, certes il sortait tous les soirs, il n'avait pas d'argent, il vivait dans la pensée de pouvoir retrouver son père un jour et se venger, et oui il jouait avec les femmes, mais il avait le doux pressentiment qu'avec elle tout serait différent. Alors il rétorqua « Tu généralises. Si tu me laisses t'offrir quelque chose à boire, tu verras, tu changeras d'avis. » Elle fît mine de réfléchir pendant quelques secondes, puis sourit moins froidement et répondit « D'accord, mais un seul verre, et ensuite tu me laisses tranquille d'accord ? » Ah si elle savait
que jamais elle ne le lâcherait ensuite.

igor, vingt-deux ans; Il regardait sa montre et attendit sa demi-soeur avec hâte, il avait d'excellentes nouvelles à lui annoncer. Après que son père ait quitté sa mère, elle s'était remariée cinq ans plus tard avec un homme que Igor avait fini par apprécier, et de cette union était née Brynja, sa sœur. Elle était un peu son joyau, on lui faisait du mal, on lui en faisait aussi, c'était comme ça, s'il pouvait la protéger, il faisait absolument tout pour pouvoir le faire. La jeune fille était aussi comme sa meilleure amie, il lui disait absolument tout, cela faisait quatre ans qu'il était avec cette mystérieuse inconnue, et cela faisait un an que Brynja aidait son frère à ne pas péter un câble, les relations sérieuses il n'avait jamais connu ça, alors lorsqu'il avait rencontré la brune cela avait été difficile que d'y penser, mais maintenant il trouvait ça plus facile, surtout qu'il y avait des sentiments en jeu, il était amoureux, mais son corps voulait la liberté qu'il ne pouvait pas avoir. Sa demi-sœur travaillait dans un petit café où elle était serveuse, mais elle restait très secrète sur sa vie, sur son travail, il ne se doutait sûrement pas que sa sœur travaillait dans un bordel et si un jour cette information venait à ses oreilles, il pèterait sûrement un gros, gros câble. Toute souriante elle passa le pas de la porte du café et vint s'asseoir en face de Igor, elle commanda un café puis posa son sac. Elle était toujours de bonne humeur, elle avait toujours l'air optimiste, au contraire de son frère qui était un pessimiste de haut niveau. Elle n'arrêtait jamais de sourire, parfois elle en devenait même agaçante, mais elle restait sa sœur, sa famille. « Alors pourquoi tu m'as amené ici ? » dit-elle d'une voix douce, presque fragile. Il ne pouvait pas s'imaginer une vie sans elle, l'idée lui brisait le cœur, elle était la seule chose dans sa vie qu'il ne pourrait sûrement jamais quitter. Il prit une gorgée de sa bière avant de lui répondre « J'ai reçu les résultats de mes partielles. » Il aimait mettre du suspens, même si tous les deux savaient très bien qu'ils étaient positifs. Igor était un homme de passion, quelque chose l'intéressait ? Il s'investissait comme personne d'autre. C'était une qualité, mais à la fois un défaut, car cela pouvait tourner à l'obsession. Elle lui fît un regard qui voulait tout dire : il devait poursuivre. Alors il prit une grande inspiration et laissa sortir d'une traite « J'ai été pris au journal que je voulais, après avoir été le meilleur de ma promotion. » Puis il sourit, car pour une fois il n'avait pas le droit d'être pessimiste, pour une fois il était exactement là où il voulait se trouver. Elle sauta de joie et se leva pour aller câliner son frère tout en lui disant des « Je suis fière de toi, je doutais pas une seule seconde que tu n'y arriverais pas. » Elle fît ça pendant quelques secondes, puis alla à finalement s'asseoir toujours avec ce petit sourire en coin. Sa sœur était cruellement curieuse et elle n'arrêtait pas de s'immiscer dans sa relation avec sa belle, elles s'adoraient toutes les deux, pouvant passer des heures à faire du shopping et parfois Igor se demandait comment sa sœur pouvait avoir autant d'argent. Sa famille avait toujours dû faire des sacrifices, il ne pouvait pas nourrir toutes les bouches s'ils dépensaient trop. Le brun était l'homme de la famille avec son beau-père, il se sentait donc responsable de les aider, il ne vivait plus avec eux, mais il allait constamment leur rendre visite. Pour lui c'était essentiel, il avait besoin du soutien de sa mère pour continuer à avancer, de plus il lui versait quelques primes de son salaire pour les aider à s'en sortir. Il sourit à sa sœur avec fierté, au moins maintenant il arriverait à les aider pleinement, il avait réussi à aller là où il souhaitait : dans le magazine le plus célèbre à saint pétersbourg, voir même en russie, et avec ça il allait gagner pas mal. Sa sœur attrapa sa tasse de café avant de dire « Alors comment ça se passe avec Slevanja ? » Tout allait bien, enfin même s'il ressentait toujours le besoin de s'évader, de courir loin d'elle, même s'il l'aimait. Avoir un relation sérieuse l'effrayait toujours autant et il ne savait pas exactement pourquoi. Peut-être qu'il avait peur de l'attachement, mais au moins il n'allait plus voir ailleurs et il attendait d'elle qu'elle fasse la même chose ! « Ca va bien, enfin tu sais comment je suis. » Elle hocha de la tête, avant de sourire mesquinement, elle allait sortir quelque chose qui n'allait pas plaire à Igor. « C'est quand que vous emménagez ensemble ? Il serait temps que tu lui proposes, elle est bien patiente quand même, j'aurais pas attendu aussi longtemps moi. » Il leva les yeux au ciel, Brynja était une grande romantique, celle presque impossible à décourager par l'amour. Il essaya de répondre avec un ton qui devait se montrer être posé « On y est pas encore. » La pression ne fonctionnait pas chez lui, alors il n'attendait pas de sa sœur, ni de sa petite-amie de la lui mettre.

igor, vingt-cinq ans; Il était stressé, complètement déboussolé. Igor ne savait pas quoi faire et c'était sûrement la première fois de sa vie qu'il était complètement perdu. Il était à ce restaurant et il attendait avec impatience sa petite-amie, il devait faire quelque chose d'important, mais sans elle il n'y arriverait pas. Il avait envie de crier de stress, de nervosité, mais il se rendait bien compte que c'était inutile. Cela faisait un an qu'ils avaient emménagé ensemble, il avait enfin un poste fixe à son journal avec un futur prometteur. Ils s'aimaient, c'était indéniable, il ne se posait absolument aucune question sur son amour pour elle, il voulait fonder une vie avec elle et il était loin de ses dix-huit ans, où pour lui une vie professionnelle et amoureuse sûre ne lui convenait pas. Non, maintenant il voulait tout ça et elle était parfaite, si parfaite qu'il était difficile de lui résister. Igor leva les yeux vers le plafond en espérant pouvoir trouver ses mots, il l'aimait tellement que ça en faisait presque mal et il voulait qu'elle soit aussi amoureuse de lui qu'il l'était. Il ne doutait absolument pas de ses sentiments, mais il voulait plus, toujours un peu plus. Il en avait longuement parlé à Brynja, pour elle c'était évident qu'il était temps qu'il le fasse, qu'il lui demande de l'épouser et il avait décidé de le faire ce soir et maintenant il se sentait si stupide. Il était si loin de vouloir se venger de son père ou même de vouloir le retrouver, si loin de ses problèmes d'argent, maintenant il avait assez pour s'occuper de Svevanja, mais aussi de sa mère, tout comme de Brynja. Il avait enfin le pouvoir de pouvoir rendre heureux tout le monde et il bénissait sa motivation pour devenir journaliste de l'avoir aidé. Il attendit comme ça pendant quelques secondes, puis il vit sa petite-amie passer le pas de la porte et se diriger vers lui tout sourire. Elle s'approcha de Igor et l'embrassa sur la bouche tout en disant « Je suis désolé, il y avait des embouteillages. » Il lui sourit en retour, car c'est tout ce qu'il pouvait faire, il était niais, il en avait conscience, mais comment lui résister. Elle avait tout de la femme parfaite, elle était belle, forte, elle avait du répondant et elle était toujours mystérieuse, mais à la fois si attachante. Elle s'assit et regarda le menu, mais Igor la devança tout en lui disant « Je me suis occupé de la commande j'espère que tu m'en veux pas ! » Ca faisait maintenant sept ans qu'ils étaient ensemble et ils avaient pris beaucoup de temps pour se mettre ensemble réellement, puis pour emménager dans le même appartement. Chacun avait mené sa vie de son côté en se retrouvant toutes les semaines pour oublier, pour oublier le flot de la vie, mais depuis un an ils partageaient pratiquement tout et c'était sûrement ce qui faisait le plus de bien. Pouvoir être avec elle, la toucher, l'aimer, voir les moindres détails de sa vie était presque enivrant. Ils commencèrent à discuter comme si de rien était, comme si ce soir-là rien n'était vraiment pas important, que c'était un rendez-vous en amoureux comme les autres, mais seul igor savait que ce n'était pas le cas, seul lui pouvait savoir qu'il était temps pour lui de faire le premier pas, alors que depuis toujours c'était elle qui l'avait fait. Émotionnellement parlant il était très complexe, il lui avait fallu six ans pour se rendre compte qu'il aimait trop cette fille pour la laisser partir, mais surtout pour ne pas mieux apprendre à la connaître. Il avait joué au gars insensible, presque indescriptible, puis il avait lâché un peu cette image, jusqu'à ce soir où il allait tout déballer. Ils arrivèrent au dessert et il sentit que c'était le moment, le moment où il allait lui poser cette fameuse question, s'il ne le faisait pas maintenant, il ne le ferait jamais et il le savait. Alors le brun attrapa la main de Slevanja et lui sourit timidement tout en disant « Tu dois sûrement te demander ce qu'on fait ici ce soir non ? » Il marqua une brève pause avant de se lever et de poursuivre « je t'aime Sven, tellement que je me dis que j'ai été vraiment con de pas te demander ça avant, de ne pas avoir eu le courage de te dire ce que je ressens depuis des années. Je suis sûrement pas le copain le plus parfait du monde, je m'en rends compte, mais tu m'aimes comme je suis et j'essaye de tout faire pour te rendre la vie plus facile. De nombreuses fois j'ai voulu m'enfuir, mais il n'y a qu'avec toi que je suis bien, il n'y a qu'avec toi que je me sens libre et je veux fonder une famille avec toi, je veux passer la fin de ma vie à tes côtés et ne rigole pas, j'ai le droit d'être niais des fois d'accord ? » Quelques secondes passèrent, puis il se mit à genoux. « Svelanja, veux-tu m'épouser ? » Il l'aimait à en crever et il savait qu'elle n'allait pas refuser, car elle avait les larmes aux yeux, un sourire béas, elle tendit ses bras et lui sauta dans les bras tout en lui chuchotant à l'oreille un grand « OUI ! Enfin ! » Et elle l'embrassa ne lui laissant pas le temps de répondre.

igor, vingt-sept ans; On lui avait collé un nouveau dossier sur le dos, pour cause, il devait devenir rédacteur, c'était sa vie, c'était pour ça qu'il travaillait d'arrache-pied, mais avant ça il devait faire ses dernières preuves et construire dix pages du journal où il travaillait sur la rose rouge. C'était difficile d'avoir son avis sur cet établissement, personnellement il n'y avait jamais mis les pieds, il était fiancé à une jeune femme qu'il aimait tellement, d'ailleurs leur mariage était organisé pour dans un mois et il avait tellement hâte. Enfin, après deux ans d'attente ils allaient pouvoir se promettre leurs vœux après quoi ils allaient réellement fonder une famille. Mais pour le moment il devait se concentrer sur son reportage et rester impassible, lui qui était si rigide, parfois très coincé lorsqu'il ne connaissait pas un environnement ne savait pas encore comment se comporter dans une maison close. Il ne savait pas exactement ce que c'était, il avait lu des articles bien entendu, mais il n'y avait encore jamais mis les pieds, c'était tout nouveau. Lorsqu'il gara sa voiture et qu'il se trouva devant l'entrée il avala sa salive, Sven n'avait pas du tout aimé sa nouvelle mission et y avait émise quelques conditions, il n'avait pas le droit de regarder les femmes qui s'y promenaient, elle était un peu possessive, mais Igor se doutait bien qu'il devait y avoir de magnifiques femmes dans la rose rouge, même s'il n'était pas tenté, même pas un peu. Il serra sa sacoche contre son épaule et commença à entrer, en essayant d'avoir l'air le plus naturel possible, pour le moment il n'avait dit à personne de la direction de l'établissement qu'il était journaliste, il préférait attendre un peu et se faire une idée subjective de la rose rouge, puis il irait ensuite voir l'attaché de presse. Il croisa quelques gars avec des mines peu rassurantes, il détestait ces endroits, et espérait qu'il n'allait pas devoir rester trop longtemps dans la maison close. Il commença à se diriger vers la salle principale et fît le tour de la salle avec ses yeux, c'était indéniable les filles y étaient magnifiques, elles avaient toutes quelque chose, mais il effaça vite cette pensée de sa tête. Puis, ses yeux s'arrêtèrent sur une fille en particulier, sur elle. Cette fille, elle était belle, blonde, magnifiquement bien foutu, elle avait un sourire carnassier, des yeux d'une couleur bleue, presque indescriptibles, et une petite tenue.. assez étonnante. Il n'arrivait pas à la lâcher du regard, il n'arrivait plus à bouger, tellement qu'il resta planté là à regarder cette créature l'hypnotiser lentement et à petit feu. Elle était belle et il oubliait tout, absolument tout, il oubliait Sven, son travail, son mariage, non là maintenant il n'y avait plus que elle. Alors elle le remarqua et sourit, elle ressentait la même chose, il avait l'air si.. sévère, si.. différent des hommes qui venaient habituellement à la rose rouge. Elle pinça ses lèvres roses, puis s'approcha d'un pas félin vers l'homme en question. Igor ne bougea pas, il était encore complètement à la ramasse, il ne savait pas quoi faire et il sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine, tellement grand qu'il en eut mal. Elle était jeune, bien plus jeune que lui, mais à ce moment-là il s'en fichait. Elle se posta devant lui, toujours avec ce même sourire et dit « Je peux vous aider peut-être ? » Non, non, elle devait partir, s'en aller ou sinon c'était lui qui allait prendre ses jambes à son cou. Non, il ne voulait pas se rapprocher d'elle et non il ne voulait pas avoir à faire quelque chose avec elle, alors il recula un peu et répondit « Euh.. non. Enfin je veux dire non. » Il avait dit ça froidement, sèchement, tellement qu'elle sursauta à ses propos. Elle fît un pas en avant tout en rétorquant « Vous ne me trouvez pas à votre goût c'est ça ? » Elle le défiait du regard, le provoquait et il devait bien faire attention à ce qu'il allait répondre, alors il dit tout en essayant de rester le plus passible possible « Si, vous êtes magnifique, mais je ne suis pas là pour ça. » Puis il tourna les talons et sortit de l'établissement, son cœur battant à la chamade et cette sorte de culpabilité s'installer lentement dans sa poitrine.