Mon genou trouve le sol et le tissu de mon pantalon pincé vient s’érafler contre le gravier. J’aime à dire que le respect me pousse à poser un genou à terre, mais la réalité réside dans la culpabilité qui m’écrase à m’en faire mordre la poussière. Mes doigts viennent effleurer le marbre froid, lisse et tranchant, qui attache son existence à donner une consistance, une image à la mort. « J’aurai du te protéger ». La chaleur de son sourire et la douceur de sa peau ont laissés place à la froideur de ma présence et la noirceur de mon âme. Je n’étais pas cet homme là, pas avec toi, à présent, je n’en serais plus un autre. La haine et la rancœur ont laissés une traînée de suie noire indélébile dans mon être. Une idée de vengeance, de douleur semée dans mon esprit … Mon poing, ma mâchoire, mon cœur se serrent. « Je les tuerai tous jusqu’au dernier ». Pour te venger. Parce que je ne peux te redonner vie, mais que je peux donner la mort. Parce que je ne peux plus être heureux, mais que ça m’aidera à vivre sans toi. « Mon frère m’aidera ». Mon frère, mon sang, ma chaire, mon double et mon contraire. Le temps passe et il devient de plus en plus furieux, incontrôlable. Je me demande si c’est encore mon rôle, de le canaliser, de le protéger. Nos relations se distendent, autant qu’elles se raccrochent. Et je ne sais plus, je ne sais plus si j’ai ma place ici, avec lui, avec mon père, avec la mafia. Je t’ai dis que j’arrêterai … Mais c’est comme si toutes ses promesses, tous ses projets, je les ai enterré avec toi, dans ce cercueil, vide de tout cadavre. Jusqu’à ce que la mort nous sépare. Mais qu’est-ce qu’une mort sans corps ? Un cercueil scellé, sans deuil ? J’ai l’impression de te voir au détour des couloirs, de te sentir tard dans la nuit … J’ai l’impression que tu vis encore, quelque part. J’ai l’impression de devenir complètement fou. La culpabilité me ronge mais la douleur me tue. Il me répète encore, que je n’ai pas su te protéger, que je n’ai pas su protéger ma femme. Comme si je n’étais pas un homme, pas un homme assez digne d’être un Vitaïev, alors que tout est de sa faute. De la faute de sa putain de mafia, de son putain d’égo. Il me dit que maintenant, au moins, je n’ai plus rien à perdre. Il n’a jamais été aussi froid avec moi, mon père. « Je te vengerai ». Je te le promet.