Je Te Ferais Chanter Tel Un Rossignol.

 

Il est dimanche, et je me réveille avec une bonne gueule de bois ainsi qu'un grand sentiment de frustration. La seule femme au monde que je désire ne m'appartient pas, mais je la désire comme un enfant voudrait s'approprier un jouet qui n'est pas le sien. Je n'ai aucun souvenir d'hier, si ce n'est que j'avais cru que l'alcool me ferait oublier que je m'étais entichée du prostituée sans le savoir. Un rire amer m'échappe; c'est raté. J'ouvre doucement les yeux, ébloui. La matinée est déjà bien avancée.
Alors que je cherche à m'étirer, je sens comme un poids sur mon bras gauche ainsi que sur mon bras droit. Oh. Merde. Une femme à ma gauche, une autre à ma droite, endormies toutes les deux. Nues. Une blonde, une brune. Paniqué, je m'extirpe du lit d'un coup sec, à tel point que la blondasse se ramasse tête la première sur le plancher. Elle pousse un cri si strident qu'il  rendrait jaloux un nourrisson. Si je n'avais pas été aussi perdu, j'en aurais sûrement ri. L'incompréhension se lit sur son visage. Elle m'injure en russe et me demande ce qu'il se passe dans un anglais dégueulasse. Ce qu'il se passe, j'en sais foutrement rien ! Tandis que la première se masse à l'endroit du choc, la seconde doit être droguée ou alcoolisée, parce qu'elle ne s'est même pas réveillée. Ma soirée me revient par flashs, mais mon esprit refuse de recoller les morceaux, embrumé. Perdu, j'interroge la blonde :

« Qu'est-ce qu'il s'est passé... hier? »

Mes lèvres sont sèches et le mots sortent difficilement de ma bouche. Elle plisse les yeux, étonnée :

« Tu nous a payées pour qu'on couche ensemble chez toi toute la nuit. »

J'ai mal au crâne, et son accent russe que j'adore d'habitude me donne la gerbe. Bah bravo, j'ai payé deux catains pour m'envoyer en l'air, et pas les plus jolies en plus. Comme quoi, quand on est soul, on prend tout ce qui passe. La poufiasse jette un regard amusé à mon entre-jambe, et je prends soudain conscience de ma nudité. Le pire, c'est que mon membre est majestueusement tendu. Reflexe pudique, j'arrache la couette à celle qui dort encore, et je protège mon sexe. Non, moi pas être habitué à ce genre de situations. Un peu plus réveillé qu'auparavant, je constate les dégâts de la dépravation de la veille. Les coussins sont jetés par terre, il y a un vase brisé au pied de la commode, la table basse au pied du lit est retournée et le pire de tout, la chambre sent le sperme. Je mets ma main devant ma bouche, pour retenir un haut le cœur.
Je n'ai plus qu'une envie; fuir. Je cours vers la penderie, prends les premiers vêtements qui me tombent sous la main, m'habille en quatrième vitesse et sort en courant de la chambre d'hôtel, laissant en plan les deux pétasses russes. A la réception, je règle les frais et laisse mon numéro en cas de souci (il s'apercevront tôt ou tard des dégâts) puis je sors d'un pas vif du bâtiment pour enfin respirer l'air frais. J'ai la tête qui tourne, mal au ventre, et on dirait que je me suis coiffé avec un aspirateur. J'inspire un grand coup quand on me percute, et je tombe avec presqu'autant de classe que la biatch de tout à l'heure. Je cherche du regard le fautif, pour le trouver à terre comme moi. C'est une femme, plutôt jeune, et là j'hallucine. Je la connais. C'est un PUTAIN d'actrice PORNO! J'explose dans un rire sonore; le destin me joue des tours.