luca-jude martins ∞ ami d'enfance, colocataire « Qui est Melmane la girafe ? ». J'affiche un sourire amusée, comme à chaque fois que j'entends ce surnom de la bouche d'un autre que moi. « Je vous demande pardon ? ». « Je cite "personne à contacter en cas d'urgence : "Melmane la girafe" ». Ah bah, il a quand même lu un minimum mon dossier finalement. Je ne saurais dire s'il l'avait fait il y a longtemps ou juste à l'instant, mais je serais prêt à parier que la seconde hypothèse était la bonne. « Vous connaissez le film d'animation madagascar ? Et bah Melmane, c'est l'un de personnages dans le film. ». Il me regarde avec de grands yeux, le regard affolé et là, j'éclate franchement de rire. « Vous êtes sérieux ? ». Un sourire moqueur plaqué sur le visage, je le regarde, amusé. « Sérieusement ? Je suis malade, pas fou, arrêtez de me considérer comme tel. Melmane c'est ma colocataire. ». Un simple mot pour expliquer une relation bien plus compliqué que ça, je l'avoue. Mais ça ne le regarde pas après tout. Comme tout ce que je lui ai raconté avant. Mais c'est son job, se mêler de ce qu'il ne le regarde pas. « Elle s'appelle réellement Melmane ? ». Exaspérant ce type. « Oui, elle s'appelle Melmane, elle a des tâches noires sur sa peau jaune et un cou de six mètres de long. Ça répond à votre question ? ». J'ai conscience d'être insolent, mais il le cherche aussi. « Elle a un vrai prénom et je la connais depuis que je suis tout gosse. ». Et voilà, il a de nouveau le nez plongé dans son calepin ridicule. « Parlez-moi de votre relation avec elle. ». Houla, je n'aurais pas assez d'une séance pour expliquer toute la complexité de ma relation avec ce petit bout de femme. Je n'aurais peut-être même pas assez d'une vie pour réussir à expliquer ça. Je la connais depuis toujours, on était tous les deux dans le même orphelinat à Londres. On était les deux seuls gosses dont personne ne voulait jamais. C'était nous deux, contre le reste du monde. Et ça l'est toujours. C'est le seul repère que je n'ai jamais eu. On a grandit ensemble. On a fait les quatre cents coups ensemble. Puis un jour, on s'est barré tous les deux de ce trou à rat et on a fini ici. Pourquoi ? Parce qu'on rêvait de voir des ours pour de vrai. Tu parles, on n'en a jamais vu un seul. Melmane, c'est ma sœur, ma meilleure amie, ma copine. Melmane c'est tout. Et pourtant, on passe notre temps à se pourrir la vie. Combien de fois je l'ai laissé passer la nuit dehors simplement parce qu'elle avait oublié ses clés et que j'avais la flemme d'aller ouvrir la porte. Et j'en n'avais pas envie aussi. Combien de fois j'ai passé la nuit dehors parce qu'elle s'amuse à faire changer les serrures de l'appartement pour se venger. Combien de fois j'ai remplacé son shampoing par de la crème épilatoire. Combien de fois elle s'est amusée à remplacer mon dentifrice par de la mayonnaise. Combien de fois j'ai déréglé son radio réveil pour qu'elle arrive en retard au boulot. Combien de fois. Combien de fois. Combien de fois. Un nombre incalculable de fois. Mais je l'aime bien quand même. « Melmane et moi, c'est Melmane et moi. ». Je crois que c'est la manière la plus simple pour résumer tout ça. En tous les cas, il devra s'en contenter.