MOSCOU. Orphelinat / administration– 10 janvier 1991Konstantin et Anna Voltchkov sont assis devant un vieux bureau en mélamine beige. La pièce dans laquelle ils se trouvent ne possède comme unique décoration qu’un gros classeur en métal, une pendule en bois et deux cadres remplis de photographies d’enfants. La fenêtre est ouverte, laissant entendre les gazouillis de quelques oiseaux. De l’autre côté du bureau, un homme aux cheveux grisonnants rajuste ses lunettes à la monture dépeinturée. Sa voix est grave.
Directeur
Alors, votre choix est final ?
Konstantin et Anna tournent la tête pour se regarder. Ils échangent un regard rayonnant. L’homme sourit et la femme joint les mains et serre son foulard.
Konstantin et Anna
(à l’unisson)
Oui.
À cet instant, une porte au fond de la pièce s’ouvre, laissant apparaître une nourrice aux yeux humides et aux traits défaillants. Elle serre contre elle une petite boule de couverture. Dedans, se trouve un petit être rose. Il s’agit de bébé Konohan.
MOSCOU. École primaire / cours de récréation – 1er septembre 1997Konohan (7ans), se tient debout au milieu d’un grand rectangle d’asphalte. Il est vêtue d’un jean une taille trop grande, un chandail gris et une veste bleu-gris. Derrière lui, des silhouettes sautent à la corde à danser, lancent une balle au mur ou se fond des passes de ballons. Le soleil, à son zénith, accentue les lignes de son visage et l’oblige à plisser légèrement ses yeux. Sa casquette d’amateur de pêche et son nez forment deux grosses ombres noires sur son visage. Le regard du jeune garçon est fixe devant lui.
Lui faisant face à quelques mètres de distance, Sofiya (5ans) a le regard fixe devant elle aussi. Elle porte une robe fleurit avec une veste grise foncé. Ses cheveux bruns sont ramenés vers l’arrière et tenu par un ruban rouge. Ses sourcils sont légèrement froncés et ses lèvres plissés.
Konohan
Tu veux jouer à un jeu avec moi ?
Sofiya sourit.
Sofiya
Oui je veux bien.
MOSCOU. Cimetière – 13 mai 2003Konohan (13 ans) est assis les pieds pendants au bord d’une muraille en pierre. Cette dernière est haute d’approximativement quatre pieds et fait le tour de ce qui semble être un petit cimetière de village. Le ciel sans nuage est d’un bleu profond et la flore aborde déjà une belle verdure. Sur le sol, à quelques mètres du garçon, se trouve deux bicyclettes à vitesse modifiable.
Konohan croque dans une pomme en silence.
Une jeune fille, Sofiya (11ans) apparaît. Elle porte une casquette d’amateur de pêche dont la palette est placée vers l’arrière. Ses cheveux détachés lui tombent jusqu’au niveau du menton.
Sofiya
Kono, regarde qu’est ce que j’ai trouvé !
Konohan descend de son siège et rejoint Sofiya. Cette dernière lui tend un morceau de pierre à l’effigie d’une gargouille.
Konohan
Han, c’est dont ben cool !
Konohan prend l’objet en question et la retourne en tout sens. Il finit son observation avec le visage de simili dragon face à lui.
Konohan
Comment y s’appelle tu crois ?
Sofiya
Hum, voyons voir… ah ! je sais. Ce sera Igor !
Konohan
Eh bien, ravit de faire ta connaissance Igor.
‘‘Ravis de vous rencontrer aussi tous les deux’’
MOSCOU. Résidence des Voltchkov / Cuisine – 16 juin 2003Dans une belle grande cuisine illuminé par les rayons du soleil passant à travers les grandes vitres de l’endroit, Anna s’affaire à sortir un plat mijotié du four pour le poser sur un sous-plat en tissus. Les comptoirs sont dégagés et propre, laissant supposé un ménage tout récent. Le calme du moment est alors brisé par un bruit de porte qui claque et plusieurs bruits de petits pas.
Konohan apparaît, suvie de très près par Sofiya qu’il tient par la main. Les deux ont un large sourire de joie et de fierté.
Konohan
Maman maman ! Devine quoi ? j’ai été accepté dans le programme enrichie du lycée !
Anna
C’est vrai ? Félicitation mon fils. Je suis très fier de toi.
Anna s’approche de son fils et le serre dans ses bras. Elle pose ensuite ses deux mains sur l’épaule de Konohan et Sofiya.
Anna
Il faut fêter cela pas vrai ? Que diriez-vous d’une bonne tarte au chocolat pour dessert tous les deux ?
MOSCOU. Résidence des Voltchkov / Chambre de Konohan – 18 juillet 2010Konohan (20 ans) s’affaire à remplir une petite valise. Il est revêtue de l’uniforme des forces armées de la Fédération de Russie. Il se déplace rapidement d’un point à l’autre, sortant sans hésiter les objets visés à chacune des places ou il s’arrête. Une camisole blanche. Des chaussettes. Une photographie…
La pièce est impeccable. Tous les coins de la couette sont plié au carreau, le bureau est vide de traîneries et le sol entièrement libre à la circulation. Dans l’encadrement de la porte, Anna regarde son fils avec un visage navré.
Anna
(avec un trémolo contenu dans la voix)
Tu es sûr de ta décision mon chéri ? Tu sais, rien ni personne ne t’oblige à faire ça… et puis, pense à tout ces pauvres jeunes hommes qui subissent la conscription par obligation et qui aimeraient être à ta place.
Konohan
La fille du lac le fait aussi. Et elle est encore moins obligée que moi de le faire. C’est une femme.
Anna pousse un soupire. Ses yeux s’emplissent de larmes et elle quitte promptement la pièce. Laissant son fils seul avec sa valise. Konohan range un dernier chandail chaud avant de refermer sa valise. Il s’assoit sur le bord de son lit et enfouie sa tête dans ses mains. Sa mâchoire se serre.
Il inspire et expire avec force.
Il sort de sa poche un faire-part de mariage. Konohan promène rapidement ses yeux sur l’inscription. Il s’agit d’une invitation officielle au mariage de Sofiya et Nicolai. L’événement avait lieu le lendemain. Le carton était destiné à un certain Konohan, identifié comme étant l’un des témoins.
La voix d’Anna se fait entendre de l’étage d’en bas.
Anna
Mon chérie, viens donc au moins manger un morceau de tarte au chocolat avant de partir prendre ton train de l’enfer.
Konohan déchire le faire-pare en plusieurs morceaux qu'il lance de toutes ses forces contre le mur.
MOSCOU. Résidence des Voltchkov / Vestibule – 22 novembre 2012Une main de femme insère une clef dans une serrure. On entend le déclic habituel du déverrouillage. La porte s’ouvre. On entend des bruits de talons, une porte qui ferme, un sac qui tombe au sol, la porte qui se referme. Deux mains fond défiler une après les autres différentes lettres. Des factures. Des publicités. Soudain, les deux membres se figent sur une lettre. Le destinateur de cette lettre est un certain Konohan Voltchkov. Les deux mains s’empressent d’ouvrir la lettre, laissant tomber les autres au sol
Chère Maman, cher Papa.
Je vous écris cette lettre du coin d’un petit bureau. Ce ne sera pas très long, mais je tenais à vous donner des nouvelles de chez nouus. Tout s’est arrangé pour le mieux ici. Depuis que j’ai rejoins le commando spécial des forces aéroportés, je suis très heureux. Les gens de ma troupe (les Three-fights) sont extraordinaires. J’adore être avec eux. On est toujours ensemble et on s’aime tous beaucoup. Ils viennent de partout ailleurs dans la Russie. C’est très enrichissant.
J’espère que tout va bien dans votre petit coin de pays.
En tout cas, ne vous inquiétez plus pour moi. Tout va le mieux comme cela.
Signé, votre Kono qui vous aimeMOSCOU. Top-secret – 21 décembre 2013Konohan est debout dans une pièce presque entièrement plongée dans l’obscurité. Seule une petite lampe éclaire en douche un beau bureau en bois finie avec à l’arrière, un épais fauteuil en cuire sur lequel est assis un homme à la figure forte. Il s’agit de Tchernienko, la dernière coqueluche politique du grand public.
Tchernienko
… et es-tu prêt à servir et protéger la famille des Izmaîlovskaya et ce, même au prix de ta vie ?
Le visage de Sofiya apparaît dans l’esprit de Konohan. Vient ensuite le souvenir de ses amis du three-fights tués par un bris mécanique.
‘‘Tu n’as plus rien à perdre’’Konohan
Oui.
ST-PETERSBOURG. Top-secret – 19 mai 2014Intérieur d’une chambre longue durée d’un motel, huppé si un tel qualificatif peut être possible avec un lieu semblable. Konohan se tient debout comme un piquet face à son lit. Il tient un IPhone à son oreille.
Konohan
Oui oui maman, t’inquiète pas, j’ai tout ce qu’il me faut. Oui je mange bien. Hier, j’ai même réussi à me cuisiner un demi poulet au citron ! Pas pire, j’ai peut-être mis un peu trop d’ail. Non merci ça va, j’ai seulement une valise alors je devrais être correct pour voyager seul. Je vais t’appeler à mon arrivée. Je sais pas, je te tiendrai au courant. Ça va dépendre de ma charge de travaille. Actionnaire dans la…
Konohan s’interrompt un instant. Un peu plus, et il répondait la maison close de Rose rouge.
Konohan
Désolé un oiseau est entré dans la vitre de cuisine. Je disais, actionnaire dans un centre d’amusement et de divertissement. Oui, c'est ça. Il m'a légué ses parts dans son testament. Aucune idée, mais je me le demande aussi. Pas à l’église, mais il y avait vraiment beaucoup de monde au salon funéraire. Un industriel riche et important comme Tchernienko, ça attire beaucoup de vautours. En effet, c’était un grand homme et un excellent patron. Très intègre. (silence). Moi aussi je t’aime maman. Je suis content que vous soyez fiers de moi. Oui moi aussi. (silence). Maman, pourquoi tu partirais pas en voyage toi aussi ? Ça pourrait te faire du bien ! Comment ça tu peux pas ? C’est pas l’argent ou le temps qui vous manquent à papa et toi. La business va pas mourir si papa s’absente quelques semaines. Son bras droit est très bon. Qu’est ce que tu racontes là ? Voyons maman… écoute, ça me fait très plaisir que tu veuilles t’occuper de moi comme ça. Je t’assure, ça me touche beaucoup ! mais tu sais, je suis un grand garçon maintenant. Papa et toi m’avez bien élevé. Il faut que tu penses à toi aussi. Prends du bon temps. T’es pas obligé de partir en voyage… juste sortir un peu du domaine. Qu’est ce que tu aimes faire ? Tu pourrais t’inscrire dans un club ? C’est bon je comprends. C’est juste que je me fais du soucis pour toi. Bien sûr, je vais continuer de t’appeler tous les jours. Oui tu as raison. Je ferais mieux d’y aller pour pas rater mon train. Prends soin de toi aussi. Embrasse papa de ma part. Babaye.
Konohan pousse un soupire et remet le téléphone dans sa poche. Il s’approche du lit et commence à plier soigneusement les chemises qu’il place dans sa valise à côté des pantalons et des débardeurs. Parmi les nombreux détails que la vie humaine pouvait comporter, choisir ce qu’il allait mettre chaque matin était sans doute l’une des choses qu’il détestait le plus. C’est pourquoi, il se contentait de n’acheter que le même ensemble en 7 exemplaires.
''Tout va bien ?''
Konohan se tourne vers la gargouille en pierre posée sur la table de chevet.
Konohan
(après un soupir)
Je m’enmerde. La vie est d’un ennui mortel.
Konohan détourne le regard et termine de plier la dernière chemise. Il se dirige ensuite vers la commode dont il ouvre le tiroir supérieur. Dedans se trouve une enveloppe brune. Konohan ouvre l’enveloppe et en sort la photo d’un homme dans la quarantaine.
La dernière cible que lui avait donnée son patron Tchernienko avant d’être lui-même assassiné.
Konohan se rend jusqu’au bord du foyer dans lequel il jette l’enveloppe et son contenu. Ils sont aussitôt dévorés par les flammes. Même s'il avait été au coeur des manigances de Tchernienko, il lui sembla qu'il lui manquait une partie des informations.
''Qu'est ce que tu va faire maintenant'' ?Konohan
(d'une voix lasse)
Je sais pas... trouver un nouveau jeu pour me désennuyer. Je pense avoir quelques jeux pas pire à faire dans cette maison close… les prostitués, ça doit avoir des yeux intéressants…
Nouveau soupire. Konohan cadenasse sa valise et prend délicatement la statuette avant de quitter la chambre.
Konohan
Il y a une artiste en art de performance… je ne me souviens plus son nom, mais parait qu’elle a offert la possibilité aux visiteurs du musée de lui faire faire ce qu’ils voulaient et ce , sans qu’elle réagisse. Il y avait une grande table avec pleins d’objets… ça allait du rouge à lèvre au révolver. Il y a des visiteurs qui sont même allés jusqu’à lui faire des entailles avec un couteau... pas pire comme jeu non ?